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Mon expérience à ISCOM en tant qu'étudiante paraplégique

Étudiante paraplégique en troisième année, Chiara Kahn revient sur son intégration à l'ISCOM et sur sa relation avec les étudiants, intervenants et entreprises.

 

 

Qui es-tu et quel est ton parcours ?

 

 

 

Je m’appelle Chiara Kahn, j’ai 22 ans. J’ai eu un bac scientifique en 2016 et aujourd’hui je suis en troisième année spécialité Relations publiques et presse à l’ISCOM, sur le campus de Paris.

 

En ce qui concerne mon parcours, après le lycée je suis partie à Londres. J’étais dans une école de langues dans un premier temps puis j’ai étudié le droit anglais à l’université.

 

Seulement une fois à la fac ma situation a commencé à se compliquer un peu. L’université était dite accessible pour les personnes en situation de handicap mais cela n’a pas réellement été le cas. Je suis en fauteuil roulant et on m’a accueillie en me disant qu’il n’y avait plus de chambre adaptée sur le campus, alors que j’en avais bien réservé une. Il y avait des montées impraticables, des cours dans des amphis inaccessibles etc.

 

En plus, le cursus ne me correspondait pas vraiment et je me suis rapidement rendue compte que je m’étais trompée d’orientation.

 

Au bout d’un semestre,  je suis donc rentrée en France. J’ai travaillé en attendant la rentrée scolaire suivante. C’est là que je me suis plus particulièrement intéressée aux écoles de communication et que j’ai décidé de passer les concours de l’ISCOM.

 

 

 Pensais-tu déjà t’orienter vers la communication ?

 

Le milieu de la communication m’intéressait déjà. J’avais souhaité faire un stage de découverte dans ce domaine en troisième. J’étais dans le pôle communication de l’Institut National de l’Audiovisuel, j’en garde un très bon souvenir.

 

Seulement à cette époque mes parents étaient convaincus que le secteur était bouché, ce n’était pas un choix d’orientation suffisamment sûr  pour eux. J’ai fini par faire du droit. Pourtant et contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une filière moins bouchée que la communication !

 

Je suis contente de ne pas m’être forcée à rester dans un cursus qui ne me convenait pas, j’ai donc défié l’autorité parentale pour rentrer à l’ISCOM (rires). D’ailleurs, leurs inquiétudes ont totalement disparu aujourd’hui.

 

 

Accepterais-tu de nous en dire plus sur ton handicap ?

 

Sans trop rentrer dans les détails, je suis accidentée de la route. J’avais dix ans quand c’est arrivé, je suis devenue paraplégique (paralysée des jambes). Je me déplace donc en fauteuil roulant manuel mais je n’ai pas besoin de beaucoup d’adaptations au quotidien. Ce qu’il me faut c’est un ascenseur ou une rampe, s’il y a des marches ou des étages. Je ne peux pas non plus écrire pendant trop longtemps mais aujourd’hui tout le monde utilise un ordinateur, ce  n’est  pas  vraiment un problème.

 

Comment as-tu vécu ta première année à l'ISCOM ?

 

Honnêtement, très bien. J’ai fait de super rencontres, j’ai beaucoup appris et ce, dès ma première année. J’ai aussi pu obtenir des stages très intéressants, d’abord au sein de la rédaction du magazine Stratégies et l’année suivante chez Canal+. En fait, j’ai toujours été attirée par l’univers des médias, mon premier stage à l’INA était définitivement un bon choix ! J’ai eu de nombreux cours sur ce sujet, j’ai aussi beaucoup lu de mon côté et j’ai fini par avoir les armes pour postuler à ces stages.

 

Je suis reconnaissante envers l’ISCOM.  Le Programme Grande École apporte un enseignement théorique et permet aussi de se professionnaliser. En tant qu’étudiants, on peut disposer d’un grand réseau d’anciens élèves et de nombreux partenariats. Après, je reste convaincue qu’en tant qu’étudiant, il est important de s’investir aussi en dehors de l’école, enrichir son parcours pour se démarquer.

 

Par exemple, avec des amis, nous avons créé notre micro-agence dans la cadre d’un cours. Nous nous sommes énormément investis, peut-être même plus que demandé. Et résultat, nous avons réussi à obtenir un contrat avec un super client (en lien avec les médias !), nous sommes très fiers de nous.

 

Concernant mon handicap, l’école s’est toujours montrée particulièrement bienveillante. Je me souviendrai toujours du jour de la rentrée, je suis arrivée devant l’école et Julien Guerrand, le responsable pédagogique des premières années, se tenait devant l’entrée pour m’accueillir. Tout de suite, il m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, je suis là si besoin ! » (rires).

 

Je me suis faite des amis rapidement mais je savais que je pouvais, en cas de problème, toquer à sa porte. L’ISCOM accueille les personnes à mobilités réduites, l’équipe pédagogique essaie vraiment de faire au mieux, c’est très important de le dire !

 

 

Avant de nous rejoindre, avais-tu des craintes liées à ton intégration ?

 

Effectivement j’avais des craintes, vu la façon dont ça s’est passé en Angleterre. Après c’était uniquement sur le plan pratique. Au niveau de mon intégration avec les élèves tout s’est très bien déroulé, je ne me faisais pas trop de souci.

 

 

Finalement, quel a été ton ressenti vis à vis des étudiants/intervenants ?

 

En général tout était très bien, même s’il faut bien une exception qui confirme la règle ! J’ai une fois eu un problème avec un professeur qui s’est montré particulièrement indélicat. Heureusement cette histoire s’est très vite réglée et apparemment il n’est plus à l’SCOM actuellement. Cet accrochage avec ce professeur ne représente pas du tout la mentalité de l’école, bien au contraire, mais il en fallait bien un qui me pose problème (rires).

 

Pourquoi avoir décidé de créer le compte Instagram « Conpassion » ?

 

Je l’ai créé en Novembre dernier (2020). Cela faisait un moment que je souhaitais m’engager à échelle individuelle pour la défense des droits des personnes handicapées mais je ne savais pas vraiment comment.

 

Et puis un jour, j’étais chez ma meilleure amie, je lui racontais des anecdotes sur mon handicap, surtout des interactions que j’avais eues avec des gens. On en a beaucoup rigolé et puis elle m’a dit : « Chiara, là ce n’est plus de la « compassion » mais de la « conpassion » ». Et là, j’ai su qu’on tenait un truc !

 

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En tant que communicante, j’ai tout de suite vu le potentiel de cette idée, c’était bien trouvé, très clair (rires). J’ai laissé ça dans un coin de ma tête, un mois s’est écoulé et puis je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas utiliser mes connaissances / compétences en communication dans cette histoire. J’ai fait des recherches, j’ai réfléchi sur la manière dont je souhaitais communiquer autour du concept pour le mettre un maximum en avant. J’en suis rapidement arrivée à ouvrir un compte Instagram.

 

J’ai d’abord fait un benchmarking, pour voir un peu ce que d’autres comptes engagés faisaient, ce que je pourrais reprendre, ce qui pouvait être amélioré. J’ai aussi vu que je n’avais pas de

concurrence directe, dans le sens où personne ne faisait vraiment la même chose que moi. J’ai alors fait une vraie recommandation stratégique, mais pour moi-même (rires). J’ai créé l’identité visuelle et je l’ai faite valider à une amie de l’école. C’est sûr que sans l’ISCOM je n’aurais jamais eu tous ces réflexes.

 

 

 Quel(s) message(s) souhaitais-tu faire passer ?

 

Mon compte Instagram lutte contre le validisme. Le validisme, c’est le système d’oppression qui considère les personnes valides comme étant la norme. Ainsi, des personnes valides se  permettent d’importuner des personnes handicapées, parfois même sans s’en rendre compte. En fait, la plupart ne sont juste pas informés, ils ont intériorisé les travers d’une société qui n’éduque pas aux questions liées au handicap et/ou à la maladie.

 

Sur mon compte je dénonce plus particulièrement la violence verbale subie par les personnes atteintes d’un handicap et/ou d’une maladie. Je partage des phrases issues de témoignages de personnes en situation de handicap et/ou malades. Elles relatent les propos maladroits prononcés à l’attention de celles-ci, souvent de la la part de quasi-inconnus.

 

Le premier objectif est de faire entendre la population concernée pour sensibiliser les personnes non-concernées. Il n’est surtout pas question de misérabiliser qui que ce soit mais au contraire de faire de l’ironie autour de ces remarques pour les dédramatiser et inviter les personnes qui les ont prononcées à ne plus recommencer, sans les fustiger. C’est aussi dans cette idée que j’ai décidé de faire un compte aux couleurs vives, quelque chose de sympa avec une allure un peu « légère ». La cible principale serait donc les personnes non concernées pour les aider à se débarrasser des idées préconçues sur le handicap. La cible secondaire serait les personnes concernées pour qu’elles puissent bénéficier d’un espace où elles peuvent s’exprimer voire se confier, avoir du soutien.

 

Personnellement, on m’a déjà fait pas mal de remarques. Parfois je ne suis pas du tout touchée, d’autres fois je le prends avec humour, mais il arrive aussi que cela m’agace vraiment ou me fasse de la peine. Il m’arrive de ne pas savoir quoi répondre sur le moment, ou même de ne pas en  avoir la force. Les réponses ironiques et piquantes (mais réfléchies !) que j’écris en description sur « Conpassion », peuvent faire sourire mais je me dis aussi qu’elle pourraient peut-être inspirer ceux ou celles qui, comme moi, ne savent pas toujours quoi répondre, les aider à se défendre avec une bonne répartie.

 

 

Tu laisses à ta communauté la possibilité de t'envoyer des témoignages, que tu partages ensuite. Y a-t-il une anecdote/histoire qui t'a particulièrement marquée ?

 

Comme expliqué précédemment, mes publications relatent des propos validistes. Je pense que  la phrase qui m’a le plus marquée c’est le jour où une abonnée m’a envoyé une citation validiste et raciste !

 

C’était une phrase concernant son couple. Elle est en fauteuil roulant et son copain est noir. Une personne lui a sorti un jour : « Super, ton mec est noir et toi t’es handicapée, vous allez pouvoir vivre des allocations ». Quand j’ai lu ça je me suis dit « Non mais c’est pas vrai, il y a des gens qui cumulent les préjugés c’est totalement fou ». Ça peut passer pour une blague mais ça peut aussi être très blessant.

 

Par la suite j’en ai eu d’autres qui cumulent les discriminations, des phrases grossophobes, racistes, sexistes, homophobes et j’en passe. J’ai décidé de mettre une nouvelle couleur sur les publications de ce type, pour marquer ce que j’appelle ironiquement « le combo gagnant » (rires).

 

 

ISCOM : Merci Chiara pour ces réponses et cet échange qui nous a fait découvrir un peu plus qui tu es ce que tu fais pour celles et ceux qui sont en situation de handicap ou malades. L’ISCOM te souhaite plein de réussite concernant ton compte Instagram « Conpassion », on espère qu’encore plus de personnes se sentiront concernées et écoutées.

 

Chiara : Merci à vous et je l’espère aussi !