La ville durable, c’est la ville en mouvement : Estelle Forget, Ergapolis

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Comment les jeunes imaginent la ville de demain ?



Pour Estelle Forget, la ville doit être en mouvement. Et pour inventer la ville de demain, elle fait collaborer des jeunes ingénieurs, urbanistes, architectes et des communicants lors du concours Ergapolis. Elle nous explique comment imaginer l’aménagement urbain de demain et l’atout des jeunes pour apporter des idées neuves.

On parle beaucoup de ville durable. Concrètement, qu’est-ce que c’est ?

VIGNETTE estelle forgetPour faire simple, je dirais que c’est une ville en mouvement, qui se recycle, évolue dans le temps, selon son époque et les besoins de son époque. À mon sens, les concepts et les utopies permettent de progresser, c’est pourquoi une ville se reconstruit en permanence et ne doit pas être figée. Pour vous citer un projet qui me semble intéressant, j’ai à l’esprit la ville de Singapour. Cette petite île a une géographie particulière et pourtant, elle s’est développée très rapidement en quelques années. D’ailleurs, Singapour est toujours en construction et reconstruction et suit un plan de développement très précis, pensé sur 50 ans. Si je devais résumer, c’est une ville qui conjugue modernité et patrimoine tout en conciliant les besoins de la nature et de ceux de l’humain.

 

 

On entre dans une nouvelle ère. Ne risque-t-on pas d’avoir un territoire à deux vitesses en France, avec des villes extrêmement modernes d’un côté et d’autres villes plus figées ?

C’est vrai qu’en France il y a de plus en plus de territoires sinistrés et que nous assistons à un phénomène de désertification de certaines régions. Nous devons clairement être conscients qu’il y a d’un côté des métropoles qui se développent vite, et en parallèle, l’arrière-pays qui ne bénéficiera pas forcément de cet élan. Si j’ai un message à faire passer, c’est qu’il est essentiel de s’intéresser aux territoires ruraux.
Nous devons favoriser la capacité de dynamisme économique pour lutter contre les inégalités territoriales. Et puis, bien que la concentration urbaine soit nécessaire, tout le monde ne veut pas vivre en ville. Vivre en ville appelle nécessairement des constructions nouvelles et de la consommation d’énergie supplémentaire, des transports, alors qu’il faut penser à préserver la planète. Nous devons donc ré-inventer l’attractivité des territoires ruraux et retrouver du sens à notre développement.

 

Quel regard portez-vous sur les éco-quartiers ?

Aujourd’hui, il me semble important d’avoir une réflexion très spécifique sur les transformations des territoires. De toute évidence, on ne peut difficilement modéliser des concepts urbains. Chaque territoire est différent en France, que ce soit en termes de climat, de sociologie des habitants, d’économie et il faut tenir compte de toutes ces particularités.
À mon avis, l’éco-quartier est un terme à proscrire. Je veux dire par là que c’est le contraire d’une ville durable, puisque c’est un concept qui va sensiblement figer les choses. Je m’explique, cela me paraît être un non-sens "de parquer" des habitants dans une enceinte dite "eco-quartier", c’est d’une certaine manière continuité de la politique de la ville des années 70 avec les quartiers et les cités. J’ai exactement le même sentiment avec la dénomination "tiers-lieux" : un lieu est avant tout un lieu. Ce type de sémantique ne favorise pas l’intégration : je pense qu’il est souhaitable que l’on soit dans l’ouverture et dans des approches plus globales et systémique.

 

Comment vous est venue l’idée de lancer le concours Ergapolis ?

Il y a quelques années, j’ai fait un Master en Développement durable et Responsabilité des organisations, et avec l’un de nos intervenants, Robert Lion (ancien dirigeant de la Caisse des Dépôts et Consignation) nous sommes allés en Hollande visiter les éco- quartiers ; j’ai été fascinée par l’intelligence des hollandais, qui ont su concevoir des territoires qui fonctionnent comme des écosystèmes. Pour tout vous dire, je viens du monde de la finance mais j’ai une vraie passion pour l’aménagement des territoires. Je me suis très vite intéressée au monde académique et à la manière dont on pouvait associer les jeunes à toutes les réflexions pour penser la ville et le monde de demain. Et j’ai rapidement compris que les profils qui imaginaient et aménageaient nos territoires étaient souvent formés de manière très cloisonnée. C’est pour cela que j’ai cherché un moyen pour encourager le travail en transversalité et que les jeunes ingénieurs, urbanistes, architectes, communicants trouvent un langage commun pour répondre aux enjeux du 21ème siècle, et ça fonctionne !

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Quel est l’atout d'Ergapolis pour l’aménagement urbain ?

Au départ, Ergapolis était une idée puis c’est devenu un concept, progressivement une véritable démarche Aujourd’hui, nous sommes une entreprise de l’économie sociale et solidaire. Nous avons une dizaine d’écoles partenaires et plusieurs entreprises désireuses de faire appel à la ressource d’Ergapolis pour apporter des idées pour les territoires.
Nous venons par exemple de faire un projet à Cahors pour repenser une rue entière. Les jeunes ont fait des propositions totalement innovantes, qui ont séduit le Maire adjoint chargé de l’urbanisme, Michel Simon et son équipe. Pour les élus, c’est une belle opportunité parce que le fait d’associer les jeunes est enthousiasmant, surtout pour la population qui se sent écoutée sans qu’il y ait un intérêt ou enjeu manifeste.

 

Qu’apportent des étudiants en communication sur ce type de projet ?

Un territoire, c’est une histoire et bien évidemment, toute histoire se raconte.
Vous pouvez avoir le plus beau site architectural mais si vous ne savez pas pitcher l’histoire qui va avec, cela ne fera pas rêver. C’est une des composantes essentielles de savoir raconter un projet, savoir l’expliquer.
Vous l’aurez compris, les professionnels de la communication sont un atout précieux pour faciliter et fluidifier la communication. Et ils ont cette capacité à utiliser le potentiel d’une idée pour en tirer un discours qui fait sens. Et nous avons besoin de retrouver du sens aujourd’hui plus que jamais.
La communication est également un facilitateur entre les disciplines parce qu’un ingénieur, un architecte et un urbaniste ne parlent pas le même langage.

 

La ville de demain, vous l’imaginez comment ?

Je la vois culturelle, traditionnelle, digitale et moderne, humaniste et végétale. Elle serait l’union entre cultures, modernité et tradition. En somme, la ville durable, c’est le monde d’hier et le monde de demain qui se conjuguent à la première personne du pluriel.

 

Quelques mots sur Estelle Forget
Estelle Forget est diplômée de l’Université Paris Dauphine – titulaire du Master Développement Durable et Responsabilités des Organisations puis de l’Essec – Countertrade and Offset Academy. Estelle a lancé Staff Planète, cabinet conseil en développement durable spécialisé sur trois domaines d’activité : influence, fundraising et stratégie. Elle est également Fondatrice de l'institut Ergapolis, laboratoire pluridisciplinaire d'innovations. Estelle est chevalier de l’ordre des Arts et Lettres pour ses travaux innovants dans le cadre d’Ergapolis et en particulier la formation des futurs Architectes. Elle est aussi membre associée du Conseil Economique Social et Environnemental dans la section aménagement durable du territoire.

 

 

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