Quels sont les nouveaux défis de l'économie sociale et solidaire ? ...
Nicolas Froissard, Directeur général du Groupe SOS, revient sur les enjeux du social business et les défis des entreprises sociales. Pourquoi des entreprises s’engagent au service de l’intérêt général, en dehors de logiques purement économiques ? Comment les entreprises de l’ESS sont devenues fortement attractives et répondent au besoin de quête de sens des jeunes générations ? L’occasion de présenter le mouvement UP, qui rassemble des citoyens prêts à relever les défis d’aujourd’hui pour construire le monde de demain.
Comment le Groupe SOS s’est imposé comme l’un des leaders de l’économie sociale et solidaire ?
L’histoire du Groupe SOS débute en 1984. Aujourd’hui, le groupe rassemble 15 000 salariés et près de 500 établissements. Notre cœur d’activité, c’est la lutte contre la société à deux vitesses. Pour tout vous dire, notre principal objectif est de permettre à tous, y compris les plus précaires et les plus vulnérables d’entre nous, d’accéder à des services de qualité, dans le domaine de la santé, l’emploi, la jeunesse, le logement ou encore l’accompagnement vers le grand âge. Le Groupe SOS s’est aussi construit sur le secteur de la solidarité, qui englobe la lutte contre les inégalités et l’exclusion. Nous avons par exemple des dispositifs d’accueil et de soin pour des personnes et familles précaires, des personnes en situation de handicap… Désormais, le Groupe SOS se déploie dans 3 nouveaux secteurs : l’international, l’écologie et la culture, qui imprègne l’ensemble de nos établissements. À mon sens, c’est un formidable levier d’insertion et d’éducation et nous souhaitons qu’elle soit diffusée partout.
L’émergence de l’économie sociale et solidaire est-elle liée aux récentes crises successives ?
En réalité, l’économie sociale et solidaire existe depuis plus d’un siècle et demi. Néanmoins, c’est un mouvement qui s’est effectivement accéléré en période de crise.
Au 19ème siècle, il s’agissait notamment pour les ouvriers de se regrouper pour pouvoir acheter des biens de consommation et produits alimentaires, ce qui réduisait les coûts. A titre d’exemple, l'apparition des coopératives est intimement liée à ces crises. Le boom récent de l’entrepreneuriat social répond aussi à une crise de sens. De nombreux jeunes s’engagent, parfois bénévolement, pour mettre leurs compétences au service d’une organisation qui n’a pas pour objectif premier de faire des profits mais bien d’avoir un impact positif sur la société.
Comment se positionne la France sur les questions d’Economie Sociale et Solidaire ?
L’ESS est extrêmement dynamique en France et bénéficie d’une reconnaissance qui s’amplifie en permanence, notamment avec la loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire il y a quelques années et le lancement récent de "French Impact" par le haut-commissaire à l’ESS Christophe Itier. Nous sommes un pays qui fait confiance à l’ESS pour développer de nouveaux dispositifs. Il y a d’ailleurs un vrai foisonnement du secteur associatif, beaucoup d’engagement bénévole. Et puis c’est un vivier d’opportunités d’emploi, que ce soit dans les coopératives, les mutuelles ou encore les associations.
Si on arrive à attirer et fidéliser les talents, je pense que ce secteur va encore connaître un boom encore plus important dans les années qui viennent.
Que ce soit derrière les termes ESS, "non profit", entrepreneuriat social ou "social business", ce mouvement est présent dans tous les pays, parfois même sous des formes différentes. En fait, c’est rassurant de se dire qu’il y a des initiatives partout et que l’enjeu dans les années à venir, c’est de les fédérer encore plus au niveau européen ou mondial.
Le social business, est-ce selon vous le modèle économique du futur ?
Oui, c’est un modèle qui marche, à condition de concilier innovation sociétale et efficacité économique. Pendant trop longtemps, les associations ont souffert d’une image d’amateurisme. Néanmoins, elles ont su prendre le virage de la professionnalisation pour se structurer et se développer. Pour les jeunes, je crois que la quête de sens est primordiale mais qu’elle ne fait pas tout. En fait, il faut qu’à un moment, ils évoluent dans une organisation professionnelle, avec un cadre stable et qui leur permet d’exercer leurs compétences de manière totalement optimale.
Aujourd’hui, le modèle du social business intègre une dimension hybride, je veux dire par là qu’il s’inspire à la fois du service public, dans sa recherche de l’intérêt général, et également des entreprises plus classiques, notamment en termes de gestion.
Est-ce qu’il y a besoin de lobbying pour faire évoluer les mentalités et sensibiliser aux enjeux sociaux et solidaires ?
En fait, dès lors qu’un nombre très important de personnes partageront ces valeurs là et le diront, le lobbying sera assuré. C’est l’objectif du Mouvement UP. De toute évidence, la politique fonctionne beaucoup au rapport de force. Il y a encore du chemin à faire pour valoriser nos initiatives, d’autant plus lorsqu’on réalise que les médias se concentrent davantage sur l’information clivante que sur les actualités optimistes, positives et porteuses de solutions.
Vous avez lancé le mouvement UP, quelle est la genèse de cette initiative ?
En fait, ce projet est né il y a 10 ou 12 ans. Nous avons pris conscience au sein de SOS qu’il était de notre responsabilité, en tant que groupe leader sur les questions liées à l’ESS, de participer davantage au début public et plus spécifiquement, de faire connaître l’entrepreneuriat social. À mon sens, il était nécessaire de porter ce modèle auquel nous croyons. Au départ, nous avons organisé des évènements plutôt de manière informelle. Puis nous avons noté un vif engouement pour ce projet et récemment, nous avons structuré cette initiative sous la dénomination UP. L’idée, c’est de regarder vers le haut, de réfléchir à l’engagement citoyen, aux questions de responsabilité sociétale d’entreprise. Cela se traduit par les Up conférences, des événements hebdomadaires où l’on a reçu des personnalités connues comme le prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz, ou Muhammad Yunus, le prix Nobel de la Paix, inventeur du micro-crédit. Le dénominateur commun, c’est d’accueillir des personnes qui ont développé des projets qui rendent la société plus agréable à vivre parce que plus solidaire, plus durable.
Ces initiatives sont aussi dupliquées partout en France.
Quelques éléments sur Nicolas Froissard :
Nicolas Froissard est l’un des dirigeants du Groupe SOS, première entreprise sociale européenne. Il est également le fondateur du Mouvement UP, une communauté qui fédère 130 000 personnes positives, passionnées, qui préfèrent parler des solutions plutôt que des problèmes. Nicolas est également cofondateur d’un diplôme universitaire porté par l’Université Paris Dauphine et le Groupe SOS pour former les entrepreneurs sociaux de demain.
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