Le grand défi du 21ème siècle, c'est l'humanité : Sobel Ngom, Social Change Factory

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Pourquoi miser sur la jeunesse pour transformer le continent africain ?



L’Afrique est un continent jeune et plein de ressources. Sobel Aziz Ngom l’a très bien compris. Il a imaginé tout un dispositif pour redonner aux jeunes africains l’envie de s’engager et pour les stimuler dans leurs projets entrepreneuriaux.  Pour relever les défis de la mondialisation et des mutations technologiques, comment le continent prépare-t-il sa jeunesse ? Et si l’avenir du monde se jouait en Afrique ?

À quel moment avez-vous eu envie de vous lancer dans l’entrepreneuriat social ?

VIGNETTE sobel ngomMon engagement est né d’une injustice sociale constatée il y a quelques années, à l’occasion d’un stage d’été effectué dans un village sénégalais en Juillet 2008 durant la période du baccalauréat. Lors de la proclamation des résultats du baccalauréat, près de 70% des jeunes de ce village avaient échoué à l’examen. Cela m’a paru profondément arbitraire : nous n’étions pas tous sur même un pied d’égalité pour l’accès à une éducation de qualité mais devions tout de même passer les mêmes examens. L'année qui a suivie, en parallèle de mes études que je débutais, nous sommes retournés dans ce village et nous avons accompagné les jeunes pendant trois semaines pour les aider à préparer leur baccalauréat, grâce à l’implication d’une vingtaine d’amis et de nos entourages. Je me suis rendu compte, en sortant de cette première initiative, que nous avions tous le potentiel pour devenir des acteurs du changement... mais il faut "juste" prendre le risque de développer nos idées.  10 ans après, Opération Bac accompagne chaque année plus de 1000 élèves.

 

Vos initiatives ont attiré l’attention de Barack Obama, racontez-nous….

Effectivement, en 2014, j’ai rejoint le programme américain Young African Leaders Initiative (Yali) lancé par le Président Obama. Yali est un dispositif conçu pour soutenir des jeunes africains dans leurs efforts pour stimuler la croissance et la prospérité du continent. 
Après 6 semaines de formation au sein de prestigieuses universités américaines, nous avons rencontré le couple Obama, John Kerry ou encore Susan Rice. Et c’est à l’occasion de la cérémonie de clôture à Washington que j’ai eu l’honneur d’être publiquement cité une première fois par le Président Obama. Honneur renouvelé l’année suivante cette fois-ci devant les chefs d’état africains lors d’un discours à l’Union Africaine à Addis Abeba. Trois semaines après cette extraordinaire aventure, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai fondé Social Change Factory, un laboratoire d’idées dont l’ambition principale est de créer des conditions dans lesquels les membres d’une communauté pourront disposer des armes pour trouver des solutions à leurs problèmes ; des solutions qui pourront par la suite être répliquées grâce au principe du giving back.

 

Vous avez lancé l’émission de télévision Voix des Jeunes, en quoi cela consiste ?

Voix des Jeunes est un programme tv qui montre des étudiants d’universités collaborer avec d’autres jeunes sortis du système éducatif pour développer des solutions innovantes et régler des problèmes rencontrés par des communautés. Voix des Jeunes est actuellement l’une des émissions de télévision phare pour les jeunes au Sénégal et en Afrique francophone. Son concept s’est rapidement développé et étendu notamment à la Guinée, la Côte D’Ivoire, le Tchad, le Burkina Faso et maintenant la Gambie. Notre prochain projet va s’appeler Voix des Jeunes Diaspora, et mobilisera des étudiants de grandes écoles et universités françaises.
Derrière ce concours de solutions, nous avons plusieurs ambitions. L’une d’entre elle est de changer la perception et la nature des relations que les grandes institutions ont avec la jeunesse du continent.
Un autre consiste à générer et faire connaître des solutions efficaces, inclusives et duplicables imaginées par des jeunes. 
Voix des jeunes est soutenu par des organisations internationales telles que Unicef, mais aussi des fondations privées comme Mastercard, Open Society ou NSIA ou encore par des sociétés africaines telles que COFINA par exemple. Au-delà de l’émission, nous sommes en train de constituer un véritable écosystème autour de la jeunesse, avec des émissions radio, des applications mobiles, une plateforme web, des activations sur les réseaux sociaux, et surtout, nous formons de belles et grandes communautés de jeunes engagés. Car, ce que nous souhaitons par-dessus tout, c’est que les jeunes s’approprient les questions politiques, sociales, économiques et prennent assez confiance en eux et en leurs pouvoirs pour donner de la voix.

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Quels sont pour vous les prochains grands défis à relever, en Afrique ou ailleurs ?

Le grand défi du 21ème siècle n’est pas une question de compétence ni de performance mais bien d’humanité. Il est nécessaire que nous arrivions à ramener l’humain au cœur de nos actions et au cœur de nos systèmes. Et il est primordial que notre génération façonne le monde dans lequel elle veut vivre et qu’elle veut léguer à sa descendance, en gardant pour objectif le mieux-vivre ensemble et non côte à côte.
Il nous sera peut-être difficile de refuser certaines facilités temporelles, mais il faut toujours se rappeler qu’avant nous, des combats ont été menés pour que nous puissions bénéficier de certains droits que nous prenons pour acquis souvent par ignorance. Quelle aspiration avons-nous pour nos cadets, nos enfants et futurs petits enfants ? Quelle société voulons nous leur léguer ?
Voici des questions centrales que nous devons régulièrement nous poser. Elles nous aideront à définir les combats que nous devons mener.

 

Est-ce qu’il y a des innovations sociales qui retiennent votre attention ?

D’abord, je dirai tout ce qui concerne le mobile money avec comme référence la société InTouch qui se développe à la vitesse Grand V. Je pense également à COFINA qui s’est positionné en méso-finance, un axe encore assez inexploité mais qui pourtant répond le mieux aux besoins des entrepreneurs africains.
En agroalimentaire enfin,  j'ai à l'esprit la Laiterie du berger qui est aussi un bel exemple de social business, construit sur un modèle qui revalorise la production de lait et transforme le secteur et la vie de milliers d’agriculteurs. Il y en a de nombreuses autres, je ne peux malheureusement pas toutes les citer.

 

 Selon vous, l’Afrique est-elle le nouvel eldorado pour entreprendre ?

Pour les investisseurs, assurément. Pour les africains francophones, il reste du chemin à parcourir, c’est encore un concept en développement ; le volet entrepreneuriat dans les cursus anglophones est plus dense, mais nos programmes d’enseignement sont en train d’être repensés pour permettre à nos étudiants de ne pas rater « cette marche ». L’Afrique a un potentiel énorme, reste à nous assurer que les africains disposent des outils pour aussi en profiter. Cela va demander de nouvelles infrastructures, nécessite de faire évoluer l’accès aux capitaux, aux banques, aux terres ainsi que réformer nos administrations et notre législation.

 

Quelques mots sur Sobel Aziz NGOM
Sobel Aziz NGOM est un jeune entrepreneur Sénégalais.
Il a fondé et dirige Social Change Factory (SCF), un centre de leadership citoyen africain. Sobel est aussi à l’initiative du programme Voix Des Jeunes, le plus grand programme universitaire télévisé dédié à la promotion de la jeunesse en Afrique. Il a représenté le Sénégal au Young African Summit (2009) et au forum mondial pour les politiques de jeunesse des Nations Unis (2014).

 

 

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