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Les connotations chromatiques de la saint-valentin

Olivier Creusy, Directeur scientifique de la spécialisation Planning stratégique et Marketing de l’innovation à ISCOM Paris

15 février 2022

En communication, rien n’est le fruit du hasard. Choisir une couleur c’est commencer une histoire parce que la couleur…c’est la vie ! Alors que nous raconte ce rose qui repeint le monde à l’occasion de la Saint-Valentin ?

Nous inaugurons ce blog au lendemain de la Saint-Valentin et ce sera, tout au long de l’année, un espace pour partager avec vous notre amour de la communication et de ses métiers.

Hier, donc, la Saint-Valentin nous a apporté comme tous les ans son lot de petits cœurs en sucre, en chocolat, en peluche, en or… pour les plus chanceux, dans une joyeuse ambiance aux 50 nuances de rose... La créativité ne semble pas avoir de limite pour dignement célébrer l’amour, quitte à flirter parfois avec celles du bon goût.

Revenons à notre couleur rose, qui comme toutes les autres couleurs est chargée de symboles et associées à des émotions, des circonstances de la vie, des évocations.

En communication nous ne négligeons aucun des détails d’une image, d’un texte ou d’un objet parce que nous devons transmettre un message précis et éviter les erreurs d’interprétation sous l’influence de références culturelles, de préjugés ou de connotations.

C’est cette dernière notion que nous voulons aborder aujourd’hui. Qu’entendons-nous par « connotation » et que faut-il comprendre dans le contexte de la communication ? Une connotation est un ensemble de significations qui s’ajoute au sens premier d’un mot et par extension ici à des signes. Par exemple le mot « voiture » et le mot « bagnole » sont compris de la même façon et associés au même objet, mais « bagnole » a une connotation familière. La connotation apporte une dimension nouvelle, une tonalité particulière au sens premier du mot (que l’on appelle la dénotation).

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Revenons au rose. Toutes les couleurs ont des significations. Si le sujet vous intéresse, plongez-vous un jour dans les passionnants ouvrages de Michel Pastoureau, historien des couleurs, des images et des symboles. Assez spontanément, vous associerez le bleu à l’eau, au froid, quand le jaune évoquera la lumière, la convivialité, le soleil.

Mais, dans le spectre des couleurs, le rose, qui a connu son paroxysme annuel hier, est un cas particulier tant ses connotations sont fortes et figées. Le rose est associé à la féminité, à la douceur, et donc à la tendresse, d’où son usage immodéré par les amoureux de la Saint-Valentin. Pensons à couleur de la layette, à Hello Kitty qui fera place à l’incontournable et toute aussi rose poupée Barbie, à la pomme Pink lady – la « Dame Rose » - on ne peut pas faire plus explicite ! - sans oublier la couleur du jus de nombreux parfums dont « La vie est belle de Lancôme », l’interface de Veepee.com ou le château de la Belle au bois dormant dans le parc Disneyland Paris. Etc.

Le choix d’une couleur n’est jamais anodin, mais dans ce cas particulier la couleur est presque précédée par ses connotations : choisir le rose ce n’est pas choisir d’abord la couleur rose qui pourrait être diversement interprétée, c’est choisir délibérément et en premier lieu les connotations du rose. La connotation prend le pas sur la dénotation. L’avantage en communication : on évite les ambiguïtés et l’on comprend immédiatement la tonalité du message. L’inconvénient : le message doit être en harmonie avec les connotations du rose au risque de créer une dissonance perturbante, la couleur devenant elle-même une partie essentielle du message.

Par exemple, puisque le rose est associé au féminin, il devient très compliqué pour toute marque à forte identité masculine de l’utiliser. Ces marques vont s’orienter vers les références chromatiques opposées, le bleu sombre, le gris, le noir, les nuances d’acier.

Alors pourquoi tant de rose à la Saint-Valentin alors qu’il ne s’agit pas d’une fête strictement féminine ? Il faut remonter à ses origines romaines et assez subversives pour comprendre qu’elle n’a pas toujours été aussi douce ni charmante que l’image que nous en donnent les marques et les médias cette semaine…

Au fil des siècles, la Saint-Valentin, lointaine héritière des très païennes Lupercales, a évolué vers la célébration d’un amour plus spirituel, l’amour courtois du Moyen-Âge, et plus tard vers des représentations du couple romantique et plutôt traditionnel. Le rose devait finir par s’imposer… comme pour nous inciter à une pause de douceur et de tendresse dans un monde où les relations humaines ne sont pas toujours de tout repos…

Il conviendrait probablement de lire cet article en dévorant, à deux de préférence, et à la lueur d’une bougie en forme de cœur dont vous devinerez aisément le parfum et la couleur…, un gros paquet de Chamallow bien tendres… Au fait, la « guimauve » serait-elle connotée elle aussi ?