GILLES-REEB

GILLES REEB, Marketing Digital et Data Analytics

Co-fondateur de l'agence Uzful, Paris

Portrait de Gilles Reeb (ISCOM 2004) et zoom sur sa vision de la communication utile...

Gilles Reeb, diplômé de l’ISCOM en 2004, cofondateur de l’agence conseil Uzful, a choisi de placer l’utilité au cœur de son métier…Il revient sur cette notion dont il a fait un positionnement et une démarche au service des marques et de la société.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à créer votre agence ?

Je n’ai pas trouvé l’agence dans laquelle je pouvais travailler comme je l’entendais. Je voulais sortir de la subjectivité de la com, faire un travail dont l’efficacité soit vraiment mesurable et dont je puisse prouver l’utilité au client...Je trouve regrettable que la plupart des grands prix de communication soient attribués sur des critères de créativité et non d’efficacité, on a le sentiment qu’on se fait plaisir, qu’on fait plaisir au client mais au final, est-on vraiment efficace ? Le phénomène des adblockers répond de lui-même. Mon associé actuel avait fait aussi ce constat ; comme nous partagions la même vision et que nous avions des profils complémentaires, nous avons décidé de créer ensemble notre propre agence, c’est comme ça que Uzful est née.

 

Quel est le positionnement de Uzful ?

Nous avons rapidement et naturellement identifié une notion centrale, l’utilité et nous en avons fait notre ADN. Nous cherchons à être utiles à nos clients - ça passe par la mesure, l’évaluation de nos opérations - mais aussi utiles aux clients de nos clients. Nous sommes persuadés que les marques ont un rôle à jouer aujourd’hui, qu’elles peuvent rendre le monde meilleur en agissant avec respect, bienveillance, qu’il y a pour elles une nouvelle voie, rentable et intelligente. On le constate avec Starbucks ou Patagonia qui performent tout en offrant une alternative tournée vers les consommateurs, en montrant une cohérence entre le discours et les actes.

 

Et très concrètement, quels outils avez-vous adoptés pour répondre à ce positionnement ?

Nous nous sommes inspirés des méthodes des pure players que nous avons adaptées à notre métier. Nous utilisons les canaux sociaux et nous impliquons les communautés dans toutes les solutions que nous développons. Nous avons basé notre expertise sur le digital et les médias sociaux mais les frontières s’effacent peu à peu entre les mondes virtuel et réel : on parle déjà de phygital. Nos méthodes s’appliquent aujourd’hui à toutes les problématiques : engagement, branding ou Relation Client mais en conservant l’agilité, la mesurabilité et la transversalité qui nous caractérisent. Plutôt qu’une agence digitale, nous sommes une agence digitale first.

 

Comment se manifeste l’utilité dans votre rapport aux clients ?

D’abord nous ne sommes pas dans le compromis permanent, nous voulons être efficaces donc nous essayons d’aller vers des marques qui sont ouvertes au changement. Nous travaillons dans la durée pour avoir une bonne connaissance du client et des problèmes. Nous procédons étape par étape sur le principe du test and learn, on essaie, on montre les succès et on apporte les preuves de ce qui marche. Et toujours dans le souci d’être utiles à nos clients, nous avons peu à peu développé des aptitudes d’accompagnement au changement "par le bas"...Le digital installe en général un dialogue entre la marque et ses publics ; il faut que nos clients comprennent les outils, sachent les utiliser pour gérer cette relation directe avec les consommateurs.

 

Avez-vous en tête une mission qui rend bien compte de votre double posture "utile à nos clients et utile aux clients de nos clients" ?

Nous travaillons en ce moment sur une mission pour Leroy Merlin qui est vraiment en accord avec ce qu’on sait faire et ce qu’on aime faire. Il s’agit de transformer la marque médias « Du côté de chez vous » en une marque communautaire. L’enjeu, c’est donc de créer une communauté Leroy Merlin autour de la créativité à la maison. Nous sommes en train de construire tout un écosystème pour mobiliser et faire dialoguer des créateurs, des artisans, des designers des architectes professionnels et des amateurs… où le partage est central.

 

Pouvez-vous évoquer un dispositif digital mis en place à l’occasion de cette mission ?

Oui, nous avons monté un concours open design, le premier organisé par un distributeur. Il s’agissait pour les participants de proposer une idée d’aménagement autour de la modularité. Nous avons eu 30 000 visites en deux mois sur les pages web du concours et presque 300 soumissions de projets, d’artisans, d’amateurs, d’écoles de design. Des experts éliront le meilleur projet parmi les 20 prototypes développés en finale, mais il y aura aussi un vote du public en ligne et une soirée de remises de prix. A l’occasion de ce concours, on source, on identifie, on valorise des talents, on crée la communauté mais on s’inscrit aussi dans une démarche sociétale, d’éducation, on incite à faire, à fabriquer, à partager.

 

Vous êtes cofondateur de ICI Montreuil. Quels sont les liens de votre agence avec ce lieu ?

Comme nous avons été associés au projet dès le début, nous avons essayé d’y insuffler des pratiques des valeurs qui nous ressemblent : l’idée de faire utile, d’échapper à l’hyperconsumérisme et de partager. En tant que résidents, nous avons vu l’arrivée du fablab et nous y avons même fabriqué un robot pour l’un de nos clients. Aujourd’hui, nous restons proches et engagés dans la communauté des makers qui peut grandir grâce aux marques et réciproquement…A ce titre nous jouons un peu le rôle de connecteurs entre ces deux mondes qui sont assez éloignés dans les idées et le mode fonctionnement. Avec un vrai respect dans la collaboration, les makers et les marques peuvent trouver ensemble des perspectives d’évolution.

 

S’agissant des attentes des annonceurs, voyez-vous actuellement se dessiner une grande tendance ?

L’innovation change la donne ; elle irrigue toute l’entreprise et tous les métiers s’en emparent. Les gens du marketing, qui sont nos interlocuteurs, entrent aussi dans cette nouvelle dynamique, ils veulent innover, imaginer de nouveaux services, apporter de la valeur et les agences doivent les accompagner. Mais comme les technologies offrent un nombre infini de possibilités, les briefs sont de moins en moins cadrés, parfois même de vraies feuilles blanches. C’est la tendance actuelle et la difficulté à laquelle nous sommes confrontés…D’ailleurs sur un même appel d’offre, les annonceurs peuvent interroger à la fois des agences de com, de design, un cabinet de stratégie ; ce qui montre bien que les contours du brief ne sont pas clairement définis… et la nécessité de changer le fonctionnement du marché !

 

Pour conclure, quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui souhaitent se lancer dans la création de leur agence ?

Pour tenir la distance, je pense qu’il faut avoir un positionnement fort. Sans une vision très claire de son métier et de la façon de le faire, on peut se perdre. Les agences ne réfléchissent pas assez à leur marque et à la cohérence entre ce qu’elles sont et ce qu’elles font. Le court-termisme est roi : on rebondit sur une technologie ou une tendance sans penser à la suite. L’autre point qui me semble central et valable pour la création de toute entreprise, c’est de bien anticiper la complexité de l’administration et d’être accompagné pour y faire face. On n’est pas assez préparé à gérer une entreprise dans les métiers de la communication. Le challenge pour un chef d’entreprise, c’est à la fois d’innover sans cesse et de composer avec les lenteurs administratives !

 

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